vendredi 18 novembre 2011

Article: Guerre économique : le «Tipipi» inquiète Pékin

Guerre économique : le «Tipipi» inquiète Pékin
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Guerre économique : le «Tipipi» inquiète Pékin

Régis Soubrouillard - Marianne | Vendredi 18 Novembre 2011 à 05:01 | Lu 5363 fois
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Le centre de gravité du monde bouge. Pendant que l'Europe se débat dans une crise économique profonde, l'Amérique d'Obama se tourne vers le Pacifique. C'est là que l'Amérique entend préserver son leadership et faire opposition à la Chine. Symbole de cette nouvelle terre de conquête, le TPP, un accord commercial entre 9 pays du pacifique, 33% du PIB mondial, mais aussi l'amorce d'une nouvelle bataille du pacifique entre la Chine et les USA et de vives tensions à l'intérieur des pays entre pro et anti-TPP.



Guerre économique : le «Tipipi» inquiète Pékin
« TPP » prononcez « Tipipi », c'est l'expression qui agite toute une partie du monde: Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour, Malaisie, Vietnam,  Japon, Chili, Pérou, Etats-Unis.
Qu'est ce qui unit ces états d'Amérique du Nord, du sud, d'Océanie, et d'Asie du sud-est. Un océan: le pacifique. Et beaucoup plus dans les années à venir.
Car derrière ce sobriquet douteux de « Tipipi » (Transpacific PartnerShip) c'est un déplacement du centre de gravité du monde qui s'opère sous nos yeux. La nouvelle guerre du Pacifique sera une bataille d'influence.

Quelques jours après le très désespérant G20 de Cannes, les dirigeants de la zone pacifique (plus d'un tiers du PIB de la planète) se réunissaient à Honolulu. Dans son discours, Obama a été clair : «La région Asie-Pacifique est absolument essentielle à la croissance économique de l'Amérique. Nous considérons que c'est une priorité absolue. Nous ne pourrons pas combattre le chômage et développer notre économie sans la réussite de ce projet de développement Asie-pacique ».
Quelques jours plus tôt, Hilary Clinton avait appelé le pays a « regarder vers l'est pour présever notre leadership ».
 
Un sujet quasiment ignoré, sinon occulté en Europe. Mais un petit tour sur zone, au Japon par exemple, donne une idée de l'étendue des débats. Il n'est question que de ça : « Tipipi » sur toutes les chaines de télés, dans tous les « JT », tous les débats politiques. Et une seule question « Y aller ou pas ? ».  

Car contrairement à ce que l'on nous montre, Obama passe beaucoup plus de temps à tenter de convaincre ses partenaires encore réticents à se lancer dans l'aventure qu'à donner des interviews en compagnie notre cher Président.
« Le TPP va devenir très vite, si ce n'est déjà le cas, un facteur clé pour le monde dans cette période économique morose » commente ainsi Simon Tay, président du Centre d'Etudes en affaires étrangères de Singapour.


Des débats très houleux au Japon

La zone TPP
La zone TPP
Un mot d'explications: le Tipipi, c'est le Gatt du pacifique. Un traité qui vise à faire émerger une zone de libre-échange dans la région Asie-Pacifique avec suppression totale des barrières douanières d'ici à 2015. Le projet de TPP prévoit que les pays membres respectent certains critères à négocier en matière de droit du travail ou de protection de l'environnement.
L'accord encouragera le commerce des produits de pointe, notamment dans le secteur du numérique et des biens d'équipement «verts» (énergie renouvelables, etc). Il devra également assurer la transparence et l'aspect non-discriminatoire des marchés publics passés par les Etats-membres et faire en sorte que les pays membres s'engagent à respecter des normes de protection pour les travailleurs.
Bienvenue dans le monde idéal du libre échange, plages de sables fins  et palmiers compris.

Sur le papier, tout paraît impeccable. Pourtant, à Tokyo, les mois d'octobre et de novembre ont été secoués par des manifestations  d'agriculteurs particulièrement hostiles au projet. Pays peu connu pour ses mobilisations populaires massives, les défilés dans les rues surprotégées du quartier des Ministères n'en finissaient plus. De vieux paysans, arborant des panneaux « contre la participation TPP », criant bras levés…En s'arrêtant aux feux rouges. Japon oblige.
Bénéficiant d'un fort cadre protectionniste, très dépendant des exportations alimentaires, les agriculteurs japonais craignent qu'une ouverture à la concurrence ne leur soit préjudiciable.

Sous la pression du patronat, le Japon a choisi de rejoindre l'organisation. Mais les débats continuent et dans un pays où la durée de vie des gouvernements dépasse rarement un an, ils pourraient être fatals à celui en place tant les lignes de fracture sont importantes au sein même du parti au pouvoir. Par ailleurs, un sondage réalisé par le principal quotidien japonais révèle que seuls 28% des Japonais de moins de 30 ans sont favorables au TPP, en dessous de la moyenne générale qui ne dépasse pas 34%. Ajouté à cela, la relation schizophrène d'amour-haine que le pays entretient avec les USA. Complètement arrimé à l'Oncle Sam, le pays est animé d'une volonté d'émancipation permanente. En ce sens, le TPP apparaît comme un verrou supplémentaire et une bombe politique.


La Chine pas invitée ?

Des manifestations anti-TPP dans les rues de Tokyo
Des manifestations anti-TPP dans les rues de Tokyo
Le Canada et le Mexique ont annoncé leur intention de s'associer au projet de libre-échange. Les Philippines, la Papouasie-Nouvelle Guinée, Taïwan et la Corée du Sud sont également perçus comme de possibles participants.
Ensemble, les 12 pays du TPP rassembleraient près de 800 millions de consommateurs et représenteraient près de 40% du PIB mondial, largement plus que l'Union européenne, actuelle première zone de libre-échange du monde, mais avec seulement 26% du PIB de la planète.
Dans un communiqué commun, les participants au TPP ont assuré samedi que leur projet était ouvert à tous les autres pays de la ceinture Pacifique.

Alors, quid de la Chine ? Officiellement, Pékin garde « une attitude ouverte vis à vis du TPP ». Les dirigeants chinois font, en effet, le pari que les relations commerciales entre la Chine et les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) compenseront l'influence du TPP, expliquant néanmoins «ne pas avoir été invités» à la fête du pacifique. «Le TPP n'est pas quelque chose auquel on est invité», a répliqué le conseiller d'Obama Mike Froman. «Que ce soit pour la Chine ou tout autre pays, c'est à eux de déterminer s'ils sont prêts à se plier aux standards élevés requis pour adhérer».

Mais c'est avec un soupçon non dissimulé que les dirigeants chinois ont vu cette nouvelle initiative, perçue comme une manœuvre de containement à l'encontre de l'Empire du Milieu. Pékin craint également de voir Washington se mêler aux nombreuses disputes territoriales que le pays entretient avec ses voisins.


Pékin déjà froissé

Inutile d'insister, face aux ambitions régionales de l'empire du Milieu, on comprend très vite l'intérêt stratégique des Etats-Unis que de faire entrer une importante partie des pays d'Asie et d'Océanie dans sa zone d'influence. Excepté avec Singapour, la Corée du Sud et le Japon, l'Amérique était le plus souvent « hors du cadre ». Les Etats-Unis mettent un pied dans la porte avec cet accord, amorcent de nombreuses autres initiatives. La tournée pacifique d'Obama, notamment son voyage en Australie, pays avec lequel, le président a déclaré vouloir resserrer  la coopération militaire des USA en est la démonstration.  Deux cents cinquante marines stationneront en Australie. Une installation qui, en plus du TPP, dit bien le souci des USA de s'installer durablement dans la région. De quoi froisser Pékin. Cela n'a pas manqué.

Les envoyés spéciaux à Hawaï ont, pour la plupart, relevé l'énervement des deux parties.
Une montée en tension telle que le président américain Barack Obama a quelque peu calmé le jeu, hier, déclarant que les États-Unis ne craignaient pas la montée en puissance économique et militaire de la Chine et ne cherchaient pas non plus à exclure ce pays.

« L'idée que nous craignons la Chine est une erreur. L'idée que nous cherchons à l'exclure est une erreur ».
Pas de guerre à l'horizon mais un nouveau champ de bataille d'influence. En pleine mer…




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